par Michel Parazelli (UQAM), Carol Gélinas (ROCFM), Sylvie Lévesque (FAFMRQ)
Il faut remettre en question cet idéal scientiste qui pourrait verser dans le « contrôle social »
La prévention précoce des troubles de comportements est présentée depuis dix ans comme la panacée aux problèmes associés aux conditions de pauvreté des familles québécoises (maltraitance, délinquance, toxicomanie, décrochage scolaire, obésité, etc.). Cette approche prédictive de la prévention est cultivée par les sciences comportementalistes. À la suite d’un dépistage, on soupçonne des familles que l’on désigne « à risque », de reproduire ces problèmes de façon intergénérationnelle. La solution : prévenir les comportements d’inadaptation sociale des futurs adolescents sur l’ensemble du territoire québécois par une intervention intensive dès la naissance (pendant cinq ans) selon plusieurs axes d’intervention : le développement cognitif et relationnel des enfants, les habiletés parentales, la cessation d’habitudes de vie non appropriées, l’alimentation, etc. Ce choix politique a contribué à fabriquer un consensus moral autour de cette approche en pénétrant la culture professionnelle des CSSS, de la santé publique, de fondations publiques et privées de même qu’au sein des institutions scolaires et des organismes communautaires. Qu’il s’agisse de campagnes de marketing social, de formations dirigées ou de sommets rassembleurs, ce désir de consensus s’appuie sur l’idée que la prévention précoce serait bonne en soi, car elle viserait le bien des enfants et des familles, qu’elle produirait des résultats efficaces, tout en diminuant les coûts de système à long terme.